A la recherche du bonheur perdu,
Version originale 4, page 35.
Je vous invite à lire le poème de
Michel Butor, écrivain contemporain français (poète et essayiste d'autre part) dont parle le texte.
Poème de Michel Butor sur le thème "L'espoir", REP 2004 :
POUR GARDER SON CALME
Malgré...
il y a les nuages, les merveilleux nuages,
malgré les vaguemestres qui n'arrivent plus du tout au trot par le chemin de l'Arbre isolé, qui ont complètement changé de nom, d'allure et de monture,
il y a les Illuminations et les Calligrammes,
malgré les bourreaux, pancartes, discours, banderoles,
il y a l'oiseau qui parle, l'arbre qui chante et l'eau couleur d'or,
malgré les espions qui, dit-on, rôdent par ici invisibles comme le sable de l'horizon dont ils se sont désespérément revêtus et avec lequel ils se confondent,
il y a les lichens figurant les haleines, pierres et flammes,
malgré les défilés, supplices, poisons, famines,
il y a les cinq doigts de la main avec les ongles, les six faces du dé avec leurs chiffres, les sept pulsions capitales avec leurs emblèmes,
malgré les soldats qui la nuit scient des planches pour les cercueils,
il y a la suite, et la série, et le reste, et les autres, et les refusés, les oubliés, les imprévus, les j'en passe, et j'en passe,
malgré les pillages, bottes, pollutions, ignominies,
il y a l'ouverture du monde que l'on veut toujours nous
cadenasser,
malgré les cimetières pleins de croix ou de croissants,
il y a l'astronautique bien tard, mais bientôt, vous verrez, bientôt,
qui va reprendre,
malgré les lâchetés, nausées, déflagrations, gémissements,
il y a que je suis monté jusqu'au givre ce matin,
malgré les tombes partout de-ci de-là,
il y a le désert qui retrouvera ses bruits propres,
malgré les sirènes, glas, humiliations, supplications, la télévision
et encore et toujours les bombes, et on n'en finira donc jamais, et quand l'on a faim et soif, quelqu'un qui nous chasse,
il y a qu'un jour, on ne sait encore quel jour, après tous ces fracas et secousses, il y aura un peu de silence entre amis autour de quelque boisson, malgré...
Michel Butor