Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
Nous avons lu ces jours-ci , à la maison, une nouvelle du premier livre d'Anna Gavalda "Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part"(1999). Ce recueil de douze nouvelles s'inspirant de la vie quotidenne, de la vie urbaine est d'une grande simplicité et présente des situations touchantes ou amusantes, tragiques ou parfois grotesques.
Dans cette première nouvelle "Petites pratiques germanopratines" ,Anna Gavalda nous raconte l'histoire d'une femme se faisant aborder dans la rue par un passant qui l'invitera à dìner. L'héroïne se récite à elle-même un vers "Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!" et de ce fait nous parle d'un poème de Charles Baudelaire ( 1821-1867) "A une passante", où le poète évoque le souvenir d'une rencontre dans un paysage urbain,de cette femme qu'il l'a croisée dans la rue et qu'il aurait peut-être aimée, de la recherche d'un amour et de l'échec d'une relation:
A une passante
La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;
Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.
Un éclair... puis la nuit! — Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?
Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
Ô toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!
Les Fleurs du mal, 1857
Le sonnet appartient à ce merveilleux recueil de poèmes de Charles Baudelaire"Les Fleurs du mal" et fait partie des "Tableaux parisiens" liés à la vie de la ville qui , par ailleurs, a profondément inspiré le poète.
Je vous avouerai soi-dit en passant que c'est l'un de mes poèmes préféré...
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